L’Unité est attendue
L’unité de la gauche a toujours été un talisman pour la victoire électorale et les avancées sociales. Seul l’effort d’unité créera une nouvelle dynamique en engageant le dépassement des partis existants, tous plus où moins à bout de souffle. C’est une condition déterminante pour que la gauche soit offensive et décomplexée.
Il est de plus en plus évident qu’aucun des partis de gauche ne peut seul assumer sa propre mutation pour répondre à ces enjeux et aux attentes du peuple de gauche qui aspire à cette unité et à davantage de clarté, de force. On constate d’ailleurs que la plupart des vraies rénovations ou refondations (1905, 1971) n’ont pu se réaliser que dans un nouveau rassemblement.
L’unité au sein d’une même organisation permettra l’émergence d’une culture politique capable de concilier gestion et contestation, transformation à la fois par l’action gouvernementale et par les mouvements sociaux ou l’implication militante et citoyenne. Elle permettra d’être plus en phase avec le peuple de gauche et l’électorat populaire. En élargissant, en diversifiant, en renouvelant la base militante, elle captera toutes les énergies aujourd’hui démobilisées, notamment celles des militants associatifs ou syndicaux insuffisamment pris en compte par les partis politiques.

L’Unité est nécessaire
Il faut répondre aux contraintes imposées par le système électoral de la Vème République et qui se sont accentuées depuis 2000 avec l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier.
D’autres réponses que l’unité sont périodiquement évoquées, mais elles sont vouées à l’échec :

Un parti « démocrate » : le mythe de la démocratie à l’américaine.
Le basculement vers un système à l’américaine avec des partis de supporters aurait du mal à s’imposer durablement en France (et en Europe), où les valeurs républicaines confèrent une fonction majeure au politique et un intérêt supérieur au débat d’idées, aux choix de société. Plus encore qu’en période de croissance, la dureté des temps imposera une politisation accrue, pour proposer des voies nouvelles permettant de sortir de la crise profonde de la société française. La démocratie à l’américaine est d’autant moins transposable en France que les enjeux politiques ne pourront être réduits au jeu d’une simple alternance. Celle-ci devra être porteuse de véritables alternatives. En tout cas, le retour de la gauche au pouvoir est à ce prix.

Les pseudos rénovations, chacun de son coté, sont vouées à l’échec.
Les opérations de « rénovation», en particulier après chaque défaite électorale, n’ont permis, ni à chaque parti, ni à l’ensemble de la gauche d’accroître leur influence électorale, de renforcer leurs structures et leur rayonnement militant. Force est de constater qu’elles ont accéléré la présidentialisation des partis, la survalorisation du choix des personnes par rapport aux orientations de fond et qu’elles ont contribué à affaiblir le niveau des débats et de la politisation. Elles n’ont réglé aucun problème majeur et n’ont convaincu ni les forces militantes, ni les couches populaires, ni d’ailleurs les électeurs.
Ces « rénovations » n’ont été en fait que des adaptations aux thèses dominantes, qui, sous prétexte de modernisation, n’en restent qu’à la surface des choses et négligent l’exigence de l’anticipation, indispensable à la définition d’une stratégie.
Hier, cette méthode n’a pas réussi. Ressentie comme répondant à des logiques d’appareil en l’absence de projets mobilisateurs, elle n’enthousiasme plus grand monde et ne peut réussira davantage aujourd’hui.

Un parti « à la gauche de la gauche »
Certains plaident pour la constitution de deux partis, l’un dit social- démocrate (en fait de centre gauche) et de l’autre un parti à la gauche de cette gauche, un peu à l’image du parti allemand « die Linke ». Ils jugent que la situation serait plus « claire » et que chacun y gagnerait en homogénéité.
Cette situation de division risque cependant de garantir le maintien durable de la droite au pouvoir. En France, c’est en effet le camp le plus uni et le plus mobilisé qui gagne une élection et entraîne autour de lui. On ne peut comparer notre situation avec celle de l’Allemagne, dont le régime est parlementaire, avec un mode de scrutin comportant une forte dose de proportionnelle. Les partis de gauche peuvent ajouter leur influence et conclure des accords tenant compte du rapport de force entre eux et constituer une majorité pour gouverner ….même si ce n’est pas le choix opéré par le SPD, qui a préféré la « grande coalition » avec les conservateurs.
En France, avec l’hyper- présidentialisation actuelle, l’essentiel se joue lors de l’élection présidentielle, où le parti le plus fort voit son (sa) candidat(e) arriver en première place à gauche. Il fait alors prévaloir l’essentiel de ses choix, tant humains que programmatiques. Les autres sont amenés à respecter la discipline républicaine au second tour, sans pour autant obtenir un meilleur rapport de force qui leur permettrait de faire prendre en considération leurs thèses. En fin de compte, c’est une politique plus modérée que celle attendue qui s’impose et qui peut même encourager le tropisme des alliances au centre, présentées comme une possibilité « raisonnable ».
Le débat au sein de la gauche devient alors rude, en particulier sur le manque de réalisme de la « gauche de la gauche » et il ne peut que rendre difficile un accord pour gouverner !
Seule l’unité peut assurer l’émergence d’une nouvelle synthèse qui ne soit pas un affadissement, voire une édulcoration des idées de gauche.

Un scénario à l’italienne :
Outre la différence de mode de scrutin, qui change tout, la situation italienne est marquée par un émiettement considérable de la gauche. Le système dit des « primaires à l’italienne » est au fond l’acceptation de cet état de fait, l’unité ne s’effectuant qu’au moment de la désignation du chef du gouvernement. On voit la limite de cette dynamique, bien illustrée par les récents évènements (chute du gouvernement Prodi).
Ce scénario semble rencontrer depuis quelque temps les faveurs de certains cadres socialistes français. Ils oublient pourtant de souligner que le premier ministre n’est pas issu de la gauche mais du centre, voire de la démocratie chrétienne (lorsqu’il était président de la Commission Européenne, R. Prodi était affilié au groupe PPE de droite !). Ils oublient aussi de signaler que, si la coalition de l’Olivier a gagné, et de peu, face à Berlusconi, c’est parce que les formations les plus à gauche ont progressé, tandis que les plus modérées baissaient ou stagnaient. Bilan : c’est la gauche qui a fait la victoire, c’est le centre qui dirige.
En France, les institutions de la Vème République et notamment notre mode de scrutin, imposent une unité plus structurelle.
Un parti de l’unité aurait aussi le grand intérêt de permettre un rééquilibrage à gauche et d’affirmer une gauche enfin décomplexée, devenant un parti populaire, à la fois parti d’alternance et d’alternative.

L’Unité est possible
La gauche n’a jamais été forte qu’unie.
Cette constatation inspira le grand combat de Jean Jaurès et conduisit au Congrès du Globe en 1905. La fracture du Congrès de Tours a pu être dépassée, au moins en partie, avec le Front populaire autour d’une plateforme programmatique et d’accords de désistement. Il a fallu attendre l’Union de la Gauche, avec le programme commun, pour permettre la victoire de 1981. Enfin, sans la « gauche plurielle », il eut été sans doute difficile d’obtenir une majorité parlementaire de gauche en 1997, même si l’accord qui l’a rendue possible a été insuffisamment porté par l’ensemble des militants des partis qui la composaient, dans la mesure où il a été conclu entre le PS et chacun de ses partenaires.
Toutes ces formules ont atteint leur limite et ne sont plus susceptibles aujourd’hui de créer l’élan collectif nécessaire au sursaut et à la victoire.
Un cycle historique s’achève et il faut aller maintenant plus loin et à nouveau, comme en 1905, engager la réunification de toutes les composantes de la gauche. Ces composantes incluent désormais le parti Vert, dont la fonction d’alerte, de réflexion et de rénovation de notre pensée a été essentielle dans le la prise de conscience écologique des Français et de la gauche. Désormais, c’est une vision intégrée de l’impératif écologique, présent dans toutes les politiques, qui doit être adoptée. Cette nouvelle étape du combat écologique donne tout son sens à la participation des écologistes au mouvement d’unité et de création d’une nouvelle organisation commune.
L’unité est désormais possible, une unité qui ne saurait se bâtir sur la base de l’uniformité, de l’abandon des héritages de chacun, de l’écrasement d’un courant minoritaire, de la discipline imposée sans juste représentation des différentes composantes. Si l’union a dû se construire sur des accords gouvernementaux, c’est que perduraient de profondes divergences idéologiques et politiques. On le voit aujourd’hui, l’histoire et l’évolution du monde ont réglé la plupart de ces désaccords. Quant aux différences de point de vue, elles traversent largement chaque organisation, mais il existe des valeurs communes à une grande partie de la gauche. C’est à cette tâche que s’est attelé le club Gauche Avenir, en préparant la « Charte de l’unité ».