Raymond Huard rappelle dans quelles conditions s’est réalisée l’unité de la gauche de 1905.

Rencontre avec Raymond Huard, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paul Valéry de Montpellier, le 15 décembre 2006. (Cette rencontre a fait l’objet d’une publication.)

Mesdames, messieurs, chers amis,
Je voudrais dire d’abord tout mon plaisir de découvrir ce nouveau lieu de débat, de dialogue qu’est la Fondation Gabriel Péri. Le sujet de cette rencontre, l’unité socialiste en 1905, quelle signification à l’époque, quelle interprétation aujourd’hui, est non seulement un sujet d’histoire, mais concerne aussi la politique contemporaine. Ce sujet a déjà fait l’objet d’une rencontre de la Fondation où les exposés fortement documentés d’Alain Bergounioux et de Roger Martell [1] ont très largement déblayé la question. Je vais donc aborder le thème de ce soir sous un angle un peu différent. Ayant travaillé sur la genèse du parti politique en France, je vais l’éclairer par une réflexion plus poussée sur le contenu même de la notion d’unité, qui demeure souvent mal explicitée, en me demandant, à propos du cas précis de 1905, ce qui fait que l’esprit de division domine à un moment donné de l’histoire, et celui d’unité à un autre. Ensuite j’essaierai de situer l’unité dans une mise en perspective plus vaste, à la fois en montrant comment l’unité socialiste de l’époque se situe dans le cadre de la création du système français de partis politiques, en comparant le cas français avec ce qui se passe dans d’autres pays européens. Enfin je tenterai – c’est un peu aventureux – une comparaison avec la situation d’aujourd’hui. Il s’agit là de réflexions personnelles, certainement discutables. Je souhaite qu’elles soient discutées.
Avant d’en commencer l’étude, essayons de cerner le sujet. Réfléchissons d’abord sur le mot lui-même. Qu’y a-t-il derrière ce mot, unité, en particulier dans la vie politique, mais aussi dans le domaine syndical ? On peut constater que dans le vocabulaire utilisé en politique en France depuis une centaine d’années, il existe une grande abondance de mots qui évoquent l’unité ou l’union. Par exemple, outre unité et union, on trouve aussi rassemblement, le rassemblement populaire, mais aussi le Rassemblement du Peuple Français en 1947 [2], le Rassemblement des gauches républicaines et de la Gauche démocratique en 1946 [3], le Rassemblement pour la République4]. On trouve les mots, front, front populaire en 1936, front républicain en 1956 [5], fédération, Fédération de la gauche démocrate et socialiste 1967 [6], mais aussi les adjectifs, uni, unifié, unique, unitaire. Et ces mots sont employés souvent de façon assez approximative. Le mot unité est en politique, assez mal différencié dans l’usage courant, du mot union. en 1976 [
Par exemple, le parti unifié de la droite actuelle s’appelle Union pour la majorité présidentielle [7] et en 1958 il y a eu l’Union pour la nouvelle République [8]. En fait l’Ump a bien réalisé l’unité organisationnelle d’une bonne partie de la droite.
Dans le langage de la gauche, les choses sont un peu plus claires. Quand il s’agit de formations politiques ou syndicales, l’unité c’est le rassemblement dans une même organisation. On parlera par exemple de l’unité socialiste en 1905, de l’unité syndicale lors de la réunification de la Cgt [9] en 1936, alors que l’union caractérise plutôt une alliance pour agir ensemble, l’union de la gauche. Quand à gauche on emploie le terme unité, c’est à propos d’une action, et l’on précise : « unité d’action ». Même chose pour le mot rassemblement. Il peut désigner un parti comme le Rpf en 1947 ou le Rpr en 1976 ou bien une simple union d’organisations dans l’action : rassemblement populaire.

Le mot Front, qui n’est plus guère utilisé aujourd’hui, a marqué surtout l’entre deux guerres. Il est sans doute significatif de la sortie d’une guerre. C’est aussi un mot intéressant. Selon le Robert, c’est une union étroite d’organisations sur un programme commun. Enfin, le mot cartel, employé en 1924 – le cartel des gauches [10] – est un emprunt au vocabulaire économique de l’époque. Puis il y a les adjectifs, comme par exemple le terme unifié, qui est employé en général juste après que l’unité a été réalisée. Après l’unité, on appelait le parti socialiste, le Ps unifié et on appelait les socialistes, les unifiés. L’adjectif uni est lui moins explicite puisqu’il peut désigner à la fois une unité ou une union. Par exemple, on a employé le terme « Gauche unie », pour désigner une union, pas une unité, parce que la gauche n’est pas un parti. Le mot unique fut utilisé de façon quelque peu pléonastique quand on parlait, toujours entre les deux guerres, de Front unique. Que signifie, au fond, cette abondance de vocabulaire concernant l’unité ou l’union, sinon que c’est plutôt la division qui règne et qu’on cherche en permanence à remédier à cette division excessive et nuisible.

Qu’implique l’unité au sens le plus fort du terme ?

Elle suppose, c’est une lapalissade, que les facteurs divers qui rapprochent les composantes de cette unité soient assez importants pour permettre leur coexistence dans la même organisation. Qu’en tout cas ils soient plus importants que ceux qui justifieraient une séparation. Il y a là-dessus des réflexions très intéressantes d’un penseur américain, Albert O. Hirschmann, dans un livre « Exit,Voice and Loyalty ». Ces facteurs peuvent être d’ordre très divers, communauté idéologique, traditions politiques, exigences du système politique, pression de l’opinion à la base, buts communs, intérêts électoraux, etc. Examinons les facteurs idéologiques. Ils peuvent jouer aussi bien dans le sens de la division que dans le sens de l’unité. Dans le sens de l’unité, ils doivent souder plus solidement les membres d’une organisation, mais ils jouent dans le sens de la division s’il arrive que de petites différences idéologiques soient exacerbées au point de rendre impossible l’unité entre des tendances différentes.

Ces facteurs ont été importants en France, où la vie politique a été très « idéologisée ». L’unité de l’Ump, par exemple, a été certainement facilitée par l’effacement progressif de l’héritage gaulliste, et les divisions idéologiques ont cédé le pas à un facteur d’intérêt électoral bien compris, à la fois, face au Front National, et face à la gauche. Les différents facteurs que j’ai évoqués peuvent se combattre. Les socialistes s’affirmaient très divisés sur la politique à adopter, avant leur dernier congrès de Le Mans en novembre dernier. Lors de ce congrès, ils ont pris en compte l’intérêt pratique à rester ensemble. Ils en ont fait une synthèse, selon l’expression consacrée, pour mieux répondre aux attentes de l’opinion.
De là découle une deuxième observation. L’unité dans une organisation ressemble un peu à un caoutchouc. On peut tirer des deux côtés mais il faut éviter que ça rompe. Comment maintenir à la fois la solidité, la résistance du caoutchouc, et son élasticité. La solidité, c’est à la fois un problème de fond, celui des forces qui tiennent ensemble le parti, et que je viens d’évoquer, la solidarité de classe, la communauté d’idées etc., et un problème pratique et fonctionnel. Cela peut supposer des règles, et là on entre dans le domaine de la discipline de parti. Comment obtenir cette discipline ? Soit en faisant appel à l’esprit de responsabilité, ou plus simplement à l’amiable, par des transactions, ou au contraire par des mesures d’autorité, c’est-à-dire par l’affirmation d’une discipline. D’autre part, quand l’unité se fait malgré des différences réelles et constatées sur certains points, et c’est souvent le cas, il faut prévoir une certaine élasticité, qui donne des garanties aux différentes composantes. Ca peut être, par exemple la représentation proportionnelle des tendances dans l’organisme directeur.
Enfin, quand on parle d’unité, il faut penser qu’elle n’est toujours que relative, incomplète. On l’a vu aussi avec l’Ump, qui n’a pas rassemblé toute la droite, et en 1905 le parti unifié n’a pas rassemblé tous les socialistes, certains ont préféré le quitter.
Donc l’unité délimite simplement un champ, le champ de ceux qui peuvent travailler ensemble. Ca ne l’empêche pas d’être un phénomène important par ses conséquences politiques diverses.
Si j’ai mentionné ces considérations générales, c’est parce qu’elles s’appliquent à l’unité de 1905. Les problèmes que j’ai évoqués sont posés assez clairement à l’époque, et on les retrouve plus tard. Je termine ces remarques générales en disant que pour les historiens, les périodes d’unité et de scission sont particulièrement intéressantes. C’est là qu’on observe le mieux jusqu’où va la possibilité de conciliation entre des tendances et le point où elle s’arrête, les facteurs qui poussent à l’unité et ceux qui poussent à la division.
L’unité socialiste en son temps
Après ces remarques qui sont du simple bon sens, mais ne me paraissent pas inutiles, revenons plus précisément au sujet, c’est-à-dire à 1905.
Quel est l’état du socialisme français à la fin du 19e siècle ? On part d’une situation de profonde division. Après la saignée de la Commune, les forces socialistes en France se sont reconstituées.

La date de réapparition habituellement consacrée, c’est le Congrès de Marseille de 1879 [11], date à laquelle est créée la Fédération du parti des travailleurs socialistes de France. Mais très vite, on assiste à une division de ces forces en de nombreuses tendances. Le résultat est que jusqu’à la fin années 1890, le socialisme français apparaît, comme un archipel de sectes : Guesdistes du Parti ouvrier français, Broussistes ou possibilistes de la Fédération des travailleurs socialistes de France, Allemanistes du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, Blanquistes et Vaillantistes du Comité révolutionnaire central, qui devient Parti socialiste révolutionnaire en 1898, et enfin les socialistes indépendants. Chacun remarquera l’association des tendances à des noms de personnalités.

A quoi est due cette division ? Jaurès écrit, dans la revue « Le mouvement socialiste », en 1899, que ces tendances correspondent à « des moments historiques du socialisme français ».

Et il développe sa pensée : les blanquistes représentent l’héritage de la révolution française, les guesdistes, la Commune et ses suites, les Allemanistes, le mouvement ouvrier, les socialistes indépendants, l’action politique et électorale plus récente. A propos de ceux-ci, il trouve une formule assez drôle : « ils restaient en dehors pour travailler l’union ». C’est ingénieux, pas dénué de vérité, mais mériterait quand même d’être nuancé.

Ces divisions sont dues aussi à d’autres facteurs. D’abord l’hétérogénéité de la classe ouvrièrefrançaise, qui à l’époque, est beaucoup moins concentrée que celle de Grande Bretagne ou d’Allemagne. L’ouvrier français est moins l’ouvrier d’une grande concentration industrielle – même si cela peut exister dans le Nord, le Pas-de Calais, la région de Saint-Etienne – qu’un travailleur urbain de grande ou petite ville, aux activités diversifiées, voire même un ouvrier rural qui a une double activité (travail sur un lopin de terre et travail industriel, voire à domicile). En outre, les liens des formations socialistes avec la classe ouvrière demeurent insuffisants. Leur clientèle est plus populaire qu’ouvrière

Ces divisions sont aussi dues à des divergences importantes qui portent à la fois, sur la stratégie d’ensemble des socialistes, sur les formes d’organisation, sur l’idéologie. Divergences sur la stratégie : les socialistes doivent-ils s’allier aux républicains bourgeois, soit pour défendre la République, contre les menaces cléricales et nationalistes qui demeurent fortes et que l’affaire Dreyfus a surexcitées, soit pour tenter de réaliser des réformes sociales ? On discute à l’époque des retraites ouvrières. Cette tentation de l’alliance avec les républicains est d’autant plus forte qu’une bonne partie de la clientèle des socialistes vient du premier radicalisme, celui des années 1860 à 1880. Citons à ce propos la célèbre formule d’Ernest Labrousse : « Le socialisme français est un socialisme républicain. Républicain dans son origine, dans ses réflexes, dans ses attitudes historiques, dans son implantation territoriale », et il ajoute cependant, concession importante, qu’il y a aussi dans le socialisme « une volonté de scission en face de tous les partis bourgeois, parti républicain compris ». Une volonté de scission qui laisse malgré tout subsister « une pratique de rencontre ». A l’époque c’est un des problèmes qui divisent les socialistes. Malgré tout ce qui peut unir les socialistes à une fraction du camp républicain, la volonté de scission va-t-elle l’emporter chez tous ou le plus grand nombre sur la pratique de rencontre ?

Divergences sur les formes d’organisation : les guesdistes souhaitent une organisation fortement structurée à la façon de la Social démocratie allemande, qui est le modèle à l’époque. Eux- mêmes ont des groupes locaux reliés par des agglomérations puis des sections de ville, des fédérations au niveau départemental. Les premières fédérations naissent entre 1894 dans le Gard et 1900 dans le Var. Le parti contrôle les candidats aux élections. Les autres tendances ont une organisation beaucoup plus floue L’indépendance des parlementaires est très grande. La plupart du temps les journaux sont, tant sur le plan local que national, la propriété d’individus ou de sociétés privées, mais pas des organisations. C’est le cas de l’Humanité créée par Jaurès en 1904.

Quand on va encore plus profond, des divisions idéologiques expliquent aussi cette atomisation. Les guesdistes sont influencés par le marxisme, interprété de façon un peu étroite et systématique. Les Blanquistes, surtout grâce à Vaillant ont aussi assimilé des concepts marxistes. Cela les rapproche des guesdistes. Mais les Allemanistes sont plus influencés par Proudhon, et les Broussistes par les idéologues républicains de la coopération, du solidarisme etc.. D’autre part, ces partis se veulent des partis ouvriers, mais ils sont en fait dirigés par des intellectuels. Ni Jaurès, ni Millerand, ni Guesde, ni Vaillant, ni Brousse, ni Lafargue, et on pourrait en citer bien d’autres, ne sont originaires de la classe ouvrière. Et entre ces leaders les rivalités sont fortes, d’où le risque comme le dit un socialiste, Charles Bonnier, d’une « congrégation des petits moi ».

Pourquoi malgré tout la marche vers l’unité se précise-t-elle ? Certaines causes sont assez apparentes, pour d’autres, l’effet est plus difficile à prouver. Evoquons d’abord les exemples extérieurs. La Social démocratie allemande est unifiée depuis 1875 au Congrès de Gotha. Elle a surmonté la très grave épreuve qu’a constituée l’offensive antisocialiste de Bismarck à partir de 1878, et ses progrès électoraux sont remarquables. C’est un modèle, comme d’ailleurs le Parti ouvrier belge unifié depuis 1885. En Italie, le Parti socialiste italien s’est constitué en 1892. En Grande Bretagne le mouvement vers l’unité est plus confus, mais il progresse néanmoins avec la formation en 1900 d’un comité pour la représentation du travail. Il y a donc une tendance internationale au regroupement des forces socialistes dans chaque pays. Jaurès le note dans l’article de 1899. « Le mouvement vers l’unité – écrit-il – est une force historique ». Malheureusement, il ne précise pas davantage. Cette tendance au regroupement est sous – tendue par une idée simple : si on veut vraiment faire la révolution, ou même seulement obtenir des réformes importantes, il faut un parti de la classe ouvrière, qui se différencie de tous les autres partis bourgeois, qui réunisse autant que faire se peut toutes les forces se réclamant du socialisme. Derrière cela il y a l’idée présente dans le Manifeste communiste d’une polarisation de plus en plus accentuée des forces sociales, la bourgeoisie d’un côté, la classe ouvrière de l’autre. Enfin la conjoncture économique – dont l’effet, il est vrai, est difficile à prouver – va aussi dans ce sens. Au début du 20e siècle, nous sommes dans une nouvelle phase d’expansion et d’accélération de la concentration capitaliste. Celle-ci s’accompagne chez les socialistes d’une croyance un peu messianique dans la progression, inévitable dans ce contexte, des forces socialistes.

Il faut tenir aussi compte du contexte politique français. Les socialistes, bien que divisés, représentent depuis 1893 une force électorale – certes encore limitée, ils n’enregistrent que 5% des voix en 1893 – mais ils sont devenus une force parlementaire, du moins à la Chambre des députés, pas au Sénat. Le groupe socialiste à la Chambre est assez nombreux : une cinquantaine de députés entre 1893 et 1902. A la même époque la Sociale démocratie allemande a 23% des voix, mais pas plus de députés. L’existence de ce groupe parlementaire facilite les confrontations et les rapprochements entre les leaders. Surtout, s’il est uni dans son action – ce qui est loin d’être le cas – le groupe socialiste peut désormais peser dans les majorités parlementaires. Au sein du groupe Jaurès a pris parti pour l’unité dès 1898. Un premier rapprochement est enclanché en octobre 1898 avec la constitution d’un comité permanent de vigilance, contre la menace nationaliste, puis d’un comité de rapprochement socialiste en décembre 1898. Le processus d’unité aurait peut-être abouti plus tôt si le mouvement socialiste n’avait pas connu une crise sérieuse à partir de juin 1899. A cette date en effet, face à l’agitation cléricale et nationaliste qui accompagne l’affaire Dreyfus, se constitue à la Chambre, sous la direction de Waldeck-Rousseau, une majorité de défense républicaine. Un député socialiste, Millerand accepte d’entrer dans le cabinet dirigé par Waldeck-Rousseau. Il y voisine avec un général qui a procédé à la répression de la Commune de Paris, de Galliffet.

Les socialistes, à la Chambre et dans le pays se divisent profondément à l’occasion de cette décision, qui repose les deux problèmes de fond que j’évoquai plus haut, quelle doit être l’attitude des socialistes à l’égard de la République bourgeoise, doivent-ils participer à une politique de défense républicaine, ou se tenir à l’écart ? Quel doit être le degré d’autonomie des élus au sein du parti ? Jusqu’où doit aller la discipline de parti ?

Ce sont deux problèmes distincts. Seulement il se trouve qu’ils sont mélangés par l’initiative personnelle, on peut dire l’indiscipline, du député Millerand, puisque cette indiscipline va dans le sens d’une politique précise, celle d’une collaboration avec la bourgeoisie. Donc l’unité, incontestablement en marche, subit un coup d’arrêt, et les polémiques se déchaînent entre socialistes avec une grande virulence. L’Humanité a publié récemment un hors série sur la polémique Guesde Jaurès en novembre 1900 à Lillex [12]. Jaurès a soutenu Millerand : en juin 1899 il écrit que cette entrée de Millerand dans le cabinet est : « un grand fait », « une date historique », et qu’on ne doit pas négliger : « ces offres du destin, ces ouvertures de l’histoire ».

Peu de temps après, à l’opposé, Paul Lafargue, compare cette entrée à celle de Louis Blanc dans le gouvernement provisoire en 1848, qui a abouti, d’après lui, aux massacres de Juin. Ce thème est cher à Lafargue, il le reprendra à plusieurs reprises.

Au lieu d’aller directement vers l’unité, les socialistes français s’orientent à l’issue du congrès de Lyon en 1901 vers deux regroupements partiels, l’affaire Millerand ayant servi de discriminant. Le Parti socialiste de France, créé à la conférence d’Ivry en novembre 1901, rassemble les guesdistes du Parti ouvrier français, le Parti socialiste révolutionnaire dirigé par Vaillant, des dissidents du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire. C’est le courant révolutionnaire qui veut rompre avec la Républiquela Fédération des travailleurs socialistes, momentanément le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, autour d’une conception réformiste et de collaboration avec l’aile gauche des républicains. Fait intéressant le courant le plus ouvrier, les allemanistes, s’est divisé en deux. bourgeoise. Le parti socialiste français créé en mars 1902, rassemble les indépendants,

On aurait pu en rester là, avoir deux partis socialistes l’un plus révolutionnaire, l’autre plus réformiste. En fait, les critères de distinction sont un peu plus compliqués, et à ce propos, on peut s’interroger. Est ce que le plus important n’était pas, le choix de cette union partielle plus que l’unité ultérieure ?

Cependant le courant unitaire reprend malgré tout et c’est cela qui est intéressant. Trois incitations sont à l’oeuvre, elles ont été rappelées par mes prédécesseurs. Premièrement, la pression renforcée de l’Internationale socialiste au Congrès d’Amsterdam en août 1904. La majorité condamne le ministérialisme et appelle les socialistes français à s’unir. La motion est un peu ambiguë, mais elle va globalement dans le sens de l’unité. C’est un souhait, ce n’est pas un ordre. L’Internationale n’a pas les moyens de le faire respecter, mais il est significatif que ce souhait ait eu un large écho. Et c’est un effet concret sur un parti national de l’action de l’Internationale.

En second lieu, le bilan de l’expérience de défense républicaine, poursuivie dans le bloc des gauches en 1902 [13] est décevant, en particulier pour les socialistes. Il y a peu de progrès de la législation sociale, on discute toujours des retraites ouvrières, les conflits sociaux sont réprimés sans ménagement (9 morts à la Martinique le 8 février 1900, 3 morts et plusieurs blessés à Chalon le 2 juin 1900 etc..).

La politique anticléricale, qui va mener à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat à la fin de 1905, satisfait une partie des socialistes mais certains la trouvent trop modérée encore. D’autres, comme le Parti socialiste de France, la considèrent plutôt comme un alibi de la part des radicaux afin d’esquiver véritablement les réformes sociales. Troisièmement, la situation internationale s’aggrave. La guerre russo-japonaise éclate en 1904, et la Russie est par ailleurs l’alliée de la France.

La rivalité franco-allemande éclate à propos du Maroc, c’est l’affaire de Tanger. D’autre part la révolution russe de 1905 fait espérer un renouveau du mouvement révolutionnaire à l’échelle européenne, pour lequel il faut être prêt.

Le processus d’unité est donc relancé. Jaurès qui avait soutenu Millerand s’incline après Amsterdam, non sans quelques tergiversations. Ce choix est décisif, à cause de la personnalité de Jaurès. La création d’une commission d’unification, le 27 novembre 1904, permet d’aboutir au congrès d’unité du Globe du 23 au 25 avril 1905 dont les décisions sont ensuite acceptées plus ou moins laborieusement par les fédérations des deux organisations. Dans dans mon département, le Gard, par exemple, le processus unitaire a été assez lent car il y avait une grande méfiance chez les guesdistes à l’égard de l’unité.

Regardons maintenant d’un peu plus près le contenu de cette unité. Apparemment, l’unité consacre la victoire du courant révolutionnaire. Si celle-ci est manifeste au plan des principes, elle est moins nette dans la réalité. Cette victoire s’affirme à la fois, et c’est à noter, dans la définition des objectifs du parti et, dans son organisation. Le parti est défini comme un parti de classe ayant pour but la socialisation des moyens de production, c’est à dire de transformer la société capitaliste en société collectiviste ou communiste. S’il ne s’interdit tout de même pas de travailler à des réformes, ce parti n’est pas un parti de réformes, il se définit comme un parti de « lutte de classe et de révolution ». Les limites de la défense républicaine sont posées. Cela interdit une politique de collaboration avec la bourgeoisie républicaine, au niveau gouvernemental du moins, car les socialistes pourront continuer à voter les mesures qui les satisferont.

Très importants aussi sont les progrès en matière d’organisation. L’idée de fond, c’est qu’un parti de lutte de classe et de révolution doit être un parti discipliné. On pourrait épiloguer longtemps sur cette notion de discipline, ses origines, etc.

Je ne le ferai pas. Simplement, jusqu’où va cette discipline et à qui s’applique t-elle en 1905 ? L’adhésion d’abord est mieux individualisée et contrôlée. Au départ, c’était le groupe qui adhérait, non l’individu. L’adhésion est désormais individuelle, matérialisée par une carte et des timbres mensuels. Cela règle le problème des adhésions éventuelles de syndicats.

Les structures du parti sont précisées avec le souci de ne pas bouleverser ce qui existe, mais de mieux définir les responsabilités.

L’organisme de base, familier, reste l’ancien cercle politisé, lieu essentiel de sociabilité, baptisé groupe d’études sociales, mais il n’a pas autorité à parler au nom du parti. C’est la section qui est une circonscription territoriale, qui a ce pouvoir. C’est en somme l’organisme de base légal, alors que le groupe correspond au milieu de vie dans la localité, au plus près des militants.

Au dessus, la fédération départementale qui, dans ce cadre, contrôle la presse locale et les candidatures, mais qui dispose d’une très large autonomie. Enfin le congrès annuel, donc fréquent. Entre les congrès, un conseil national se réunit au moins trimestriellement, il est composé des représentants des fédérations et, pour un dixième du total, d’une délégation des élus au parlement. Ce qui est très peu, mais les élus peuvent être aussi représentants des fédérations, donc en fait leur rôle est plus grand. Pour administrer les affaires courantes, une Commission administrative est élue à la proportionnelle des tendances du Congrès. Le recours à la proportionnelle permet de satisfaire les différentes composantes qui entrent dans le parti unifié et la proportionnelle est à la mode à l’époque. Les socialistes la revendiquent pour les élections générales.

Donc dans un cadre, qui n’exclut pas certains compromis, mais où la discipline connaît un progrès sensible, surtout par rapport à l’ancien Parti socialiste de France, où les élus faisaient la loi.

Dans la réalité, tout cela est moins net qu’il n’y paraît, et ce pour toutes sortes de raisons. Parti de lutte de classe et de révolution ? De lutte de classe, c’est assez clair. En revanche de quelle révolution ? Certains imaginent une sorte de nouvelle Commune de Paris qui réussirait parce qu’elle serait appuyée cette fois par les forces socialistes du reste de la France, d’autres comme Jaurès voient plutôt un investissement de la République bourgeoise par la voie du suffrage universel et le passage à une république sociale puis socialiste. Ensuite ce parti unifié est un petit parti qui ne compte que 34688 adhérents en 1905. Certes les effectifs vont croître, mais progressivement. Il n’y a pas de raz de marée. On atteint 53928 adhérents au congrès de Nîmes en 1910, soit plus 55% et 90725, soit plus 68% encore, en juillet 1914. Malgré tout rien de comparable avec les gros bataillons de la Social Démocratie allemande qui compte environ 500.000 adhérents vers 1905. D’autre part, les relations avec le monde ouvrier sont insuffisantes et de plus la Cgt qui craint une mainmise socialiste affirme sa distance par la Charte d’Amiens en 1906.

Les relations vont s’améliorer malgré tout entre 1906 et 1914. Le parti a aussi des électeurs ruraux venus du radicalisme, mais n’a pas de programme agraire cohérent et, sur ce point, les divergences sont réelles en son sein. Même faiblesse de l’implantation chez les femmes, dans l’ensemble négligées.

Donc il n’est guère un parti de masse et s’il est révolutionnaire, c’est surtout dans ses objectifs et ses déclarations. D’autre part la parlementarisation que voulait éviter le Congrès du Globe subsiste. Certes 18 députés ont quitté le parti après le Congrès. Ce sont ceux qui ont besoin des voix radicales pour leur réélection en 1906. D’autres suivront un peu plus tard.

Certains vont former en 1910 le parti républicain socialiste comme Augagneur, Painlevé, Viviani. Cette petite formation durera une quinzaine d’années. Mais comme le nombre de députés socialistes augmente malgré tout, de 76 en 1910 à 103 en 1914, le poids du groupe parlementaire demeure fort. Enfin au sein du parti les fractions socialistes sont organisées et le parti reste une arène d’intrigues. J’évoque d’un mot les souvenirs de Ramadier, alors tout jeune militant dans l’Aveyron, qui écrit « l’unité s’était faite sans cordialité, comme une opération politique nécessaire, mais désagréable. On s’épiait, on se soupçonnait, on se méprisait même un peu ». Je passe sur les faiblesses de la réflexion théorique, en particulier en matière économique ou sur l’impérialisme.

Le Parti socialiste dans le système français de partis de l’époque et son évolution

Jusqu’ici, nous sommes restés pour l’essentiel à l’intérieur du mouvement socialiste, il faut en sortir pour inscrire son évolution dans une autre, de plus grande ampleur, qui est la mise en place du système de partis français dans les premières années du 20e siècle ? Pourquoi cette mise en place ? Elle correspond à une évolution des pratiques politiques dans le cadre du parlementarisme, qui domine la vie politique française. Les milieux politiques en prennent conscience et s’y adaptent.

La vie politique française sous la Troisième République repose sur le suffrage universel masculin et l’élection périodique de députés dans le cadre de circonscriptions uninominales. Le scrutin de liste installé en 1885 n’a pas été maintenu. L’implantation du député dans sa circonscription est donc capitale pour sa réélection. Pour certains, c’est une vraie notabilité, liée à la famille, la propriété, la fortune, qui assure cette implantation. Pour d’autres, c’est un métier, comme médecin, avocat, etc. Les ouvriers, élus députés, y accèdent souvent à partir d’une municipalité, comme Bouveri, maire de Montceau – les – mines élu en Saône et Loire. Quand aux intellectuels socialistes c’est souvent à cause du renom acquis par la parole ou la presse, comme Jaurès, Lafargue, Guesde, Zévaès etc. Le mode de scrutin uninominal favorise plutôt la division que la concentration des forces des partis. Une fois les députés élus, les regroupements se font à la Chambre dans des groupes parlementaires aux frontières assez floues.

En 1910, ces groupes seront reconnus en tant que tels. A la fin du 19e siècle, on se rend de plus en plus compte que l’influence personnelle des individus ne suffit plus, qu’il faut l’appui que donne une structure politique capable d’encadrer les masses, de les mobiliser par une propagande adaptée au moment des élections, d’arbitrer aussi les différends entre les personnalités au moment des candidatures. En même temps intervient un autre fait, c’est la dislocation définitive – elle était déjà entamée – du mouvement républicain en tendances bien précises, rivales pour la conquête du pouvoir. Et donc au début des années 1900, entre 1901 et 1903, on voit se former toute une série de partis qui profitent d’ailleurs de la loi de 1901 sur les associations pour s’organiser légalement, le parti radical [14], en 1901, qu’on peut classer à gauche à l’époque, l’Alliance républicaine démocratique [15], en 1901, de centre gauche, la Fédération républicaine [16], en 1903, de centre droit, l’Action libérale populaire des chrétiens ralliés à la République, auxquels il faut ajouter les deux partis socialistes que j’ai cités tout à l’heure, puis le parti unifié qui se substitue à eux en 1905. On en arrive ainsi à un système de partis assez nettement dessiné. Ce système de partis contient trois principaux groupes, les partis qui représentent les diverses tendances de l’ancien parti républicain, soit de gauche à droite, le Parti radical, l’Alliance républicaine démocratique, la Fédérationla République avec plus ou moins de réticences. Officiellement ce n’est pas un parti confessionnel, de fait il l’est, et à l’extrême gauche, les deux partis socialistes puis le parti unifié, qui se différencie lui, par sa base de classe, postulée plus que réelle – il doit être le parti de la classe ouvrière – par son objectif révolutionnaire, pas antirépublicain, car le socialisme est aussi un héritier du parti républicain comme on l’a vu, mais anticapitaliste, par sa visée – il ne s’agit pas seulement de participer, via les élections, à la République parlementaire, mais de se livrer aussi une agitation de masse et révolutionnaire – et par son degré d’organisation plus poussé créé par la discipline de parti. républicaine. Ensuite un parti, l’Action libérale populaire, qui incarne le courant chrétien rallié à

Ajoutons, hors système car très peu influente parlementairement, l’extrême droite royaliste. Chaque pays a un système de partis qui lui est propre en fonction de son histoire et de sa sociologie. Tentons de montrer l’originalité du système français, par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Italie, et comment se situe le parti socialiste dans ces systèmes. Le système de partis français reflète de façon beaucoup moins nette la structure sociale qu’en Allemagne. En Allemagne, les grands propriétaires ont le parti conservateur, les industriels le parti national libéral, la bourgeoisie intellectuelle, le parti progressiste, la classe ouvrière, le parti social-démocrate. Il y a tout de même une exception, c’est l’existence d’un parti confessionnel, le « Zentrum » qui représente les catholiques. Il est interclassiste, et à ce titre, recueille donc les suffrages d’une partie des ouvriers.

Mais avec cette exception, le parti social-démocrate allemand est bien plus un parti de classe que le parti socialiste français. En Grande Bretagne la situation est différente. Le nombre des partis est plus restreint et se réduit pour l’essentiel à trois les conservateurs, les libéraux et le Labour qui est alors en formation.

C’est un des effets du système électoral, fondé sur le scrutin uninominal à un tour. J’excepte le problème irlandais.

Les critères de distinction sont différents. Par exemple, ce qui distingue les libéraux des conservateurs, c’est certes dans une certaine mesure la clientèle sociale, mais aussi la position par rapport à la Monarchie et à la religion dominante, la religion anglicane. Le Labour, en formation, est plus ouvrier que le Parti socialiste français, mais il connaît des problèmes de différenciation vis à vis des libéraux, un peu analogues à ceux des socialistes français par rapport aux radicaux. En revanche, en Grande Bretagne, il n’y a pas de parti confessionnel, mais en Irlande le mouvement nationaliste est aussi catholique.

En Italie, les partis se définissent par rapport à l’unité italienne encore récente. Trois partis sont les héritiers de l’unité. Deux, surtout parlementaires, se réclament de la monarchie, la droite historique et la gauche historique, qui sont successivement des partis de gouvernement de part et d’autre de 1876. Un troisième parti est républicain et se trouve dans l’opposition, puisque à l’occasion de l’unité, la république n’a pas triomphé. Les opposants à l’unité, ce sont les catholiques, du moins ceux qui suivent les directives papales car le pape leur a interdit de participer aux institutions. Malgré tout, un regroupement catholique est en train de se former, c’est « l’Opéra dei comitati cattolici » qui deviendra, après la guerre, en 1919, le parti populaire italien. Le parti socialiste se forme, non par référence à l’unité comme les autres partis, mais sur une base de classe, ouvrière et paysanne là aussi. Il est moins influencé qu’en France par le mouvement républicain, mais subit plus la concurrence de la démocratie chrétienne, qui a l’audience des masses et a un côté social. Il est aussi concurrencé par des mouvements agraires, les « fasci » qui ont leur spécificité. Il demeure un petit parti, plus faible que le parti français. Donc dans l’Europe du Sud, France comprise, les partis socialistes ont un peu plus de mal à conquérir un espace que dans l’Europe du Nord.

Prenons les deux problèmes, que j’ai évoqués, qui se sont posés au socialisme français à la veille de l’unité. Faut-il s’associer à la défense de la république, même bourgeoise, faut-il collaborer éventuellement en entrant dans un ministère bourgeois, comme Millerand ? Aucun des deux ne se pose, ni en Allemagne, ni en Grande Bretagne, ni en Italie.

Non seulement le régime y est monarchique, mais le mouvement ouvrier ne conteste pas sérieusement les institutions. L’exigence, c’est plutôt que le gouvernement reflète la majorité parlementaire et électorale, ce qui n’est pas le cas en Allemagne par exemple. L’idée d’une participation éventuelle de socialistes au gouvernement est absolument hors de question dans ces trois pays, du moins pour le moment. Malgré des alliances occasionnelles, comme les alliances « lib-lab », uniquement électorales, en Grande Bretagne, les socialistes dans ces pays sont plus isolés des autres partis qu’en France.

En France, ce système de partis va durer, avec des inflexions, jusqu’en 1940 au moins. Il en restera même des traces plus tard, jusqu’au début des années 1960.

Quelques notations rapides sur cette persistance qu’on peut discuter. Elle s’explique par l’évolution lente de la société française. Elle n’est pas bouleversée par la guerre de 1914, malgré le traumatisme que représente celle-ci. Il n’y a pas eu de changement de régime comme en Allemagne ou en Europe centrale et orientale. Le développement économique reste lent. Dans l’entre deux guerres, les deux seuls changements importants, qui ne modifient guère l’équilibre général du système de partis, sont, la nouvelle division du socialisme français à la suite du Congrès de Tours en 1920, et plus tard dans les années 1930 une présence nouvelle des formations d’extrême droite dynamisées par le fascisme et le nazisme.

En fonction de notre sujet, retenons seulement l’impact du Congrès de Tours. D’abord, mais cette fois sous l’impulsion de l’Internationale communiste, ce sont, pour une part, des exigences voisines de celles qui s’exprimaient au congrès du Globe, qui sont présentées pour l’adhésion à celle-ci.

Il s’agit toujours de construire un parti de lutte de classe et de révolution, pour passer au socialisme, un parti discipliné, que ce soit au niveau des adhérents ou des élus – discipline de fer, épuration périodique – et cela retentit sur les formes d’action – agitation dans l’armée, dans les campagnes, lutte contre l’impérialisme colonial, soutien aux républiques soviétiques – et aussi sur l’enracinement, préconisé un peu plus tard en 1924, dans l’entreprise. Si on a franchi un degré de radicalisation, y-a-t-il vraiment différence de nature ? Cela explique sans doute que l’adhésion ait été votée sans trop de difficulté.

Dans le contexte de cette discipline accrue, le mode de prise de décision est modifié. L’idée de tendances représentées proportionnellement à leur influence n’est plus concevable et c’est le centralisme démocratique qui l’emporte.

Mais si l’idée d’une discipline de fer répugnait certainement à une partie des élus, d’autres aspects sont certainement plus décisifs pour expliquer la rupture de l’unité, qui s’est traduite par le refus de la minorité de rester dans le parti : deux principaux, même s’il y en a d’autres. Le premier, c’est que les ambiguïtés sur la révolution sont levées, et que la révolution proposée, c’est bien une révolution à la bolchevique, c’est-àdire à l’occasion d’une grande crise, la prise du pouvoir par la force, comme en Russie la prise du palais d’hiver, les marins de Pétrograd etc. Est-ce une rupture avec la tradition républicaine ? Elle n’est pas forcément ressentie comme telle, car il y a aussi une tradition républicaine révolutionnaire (1848, le 4 septembre 1870, la Commune). Malgré tout, toute une partie des socialistes, acquise au fond à une transformation socialiste par voie parlementaire, dans le cadre de la République, ne peut l’accepter. D’où l’accusation, lancée par Blum par exemple, de retour au blanquisme. Le second, c’est la soumission aux programme et aux décisions de la III ème Internationale, qui fait du nouveau Parti communiste français, non plus seulement de façon formelle, mais dans les faits, une section de l’Internationale ouvrière, soumise aux décisions de celle ci, et bientôt, mais on ne le sait pas encore, plutôt de celles du Parti communiste bolchévique et de son secrétaire Staline. Bien sûr et on l’a vu, il y avait déjà des liens internationaux, mais qui laissaient beaucoup de liberté aux partis. Or maintenant, c’est vraiment une conception nouvelle du mouvement révolutionnaire qui s’impose, qui en fait une sorte d’armée mondiale.

N’oublions pas que l’on sort d’une guerre elle aussi mondiale. L’existence de la révolution russe favorise l’adoption de cette idée qui porte en somme l’unité à un niveau supérieur, qui est, dans sa simplicité un peu utopique, l’incarnation de la formule du Manifeste commniste : « prolétaires de tous les pays unissez vous ».

Le congrès de Tours modifie la situation des forces socialistes, car désormais ce qui les différencient apparaît trop important pour être résorbé par un processus unitaire. Elles sont donc durablement divisées. Au départ, on ne s’en rend pas forcément compte. L’existence de deux formations conduit évidemment à une lutte entre elles pour l’hégémonie, comme à la veille de l’unité, lutte qui connaîtra des renversements de situation. Le poids de ces deux partis évoluera aussi de façon très sensible en fonction des circonstances politiques, comme le front populaire, la guerre, la libération.

Pour autant la scission de Tours ne modifie pas complètement le système de partis français. Au départ au moins, les deux formations n’envisagent pas de participer au pouvoir dans le cadre de la République bourgeoise. Elles affirment toutes deux la volonté d’une transformation socialiste de la société. Il faut le cas très particulier du Front populaire pour que la SFIO accepte de tenter l’exercice du pouvoir, mais dans le cadre d’une coalition, et il faut celle de la guerre et de la Libération pour que le Parti communiste la tente également, également dans le cadre d’une alliance et avec un rôle subordonné.

Au lendemain de la guerre, le système de partis français conserve une partie des caractères qu’il avait antérieurement. Il comprend, les deux partis se réclamant du socialisme, Pcf et Sfio. Le Pcf a pris beaucoup plus de consistance, tant sur le plan militant qu’électoral. Il est devenu vraiment un parti ouvrier. En octobre 1945, les deux partis à eux deux ont la majorité absolue à la Chambre. La question de l’unité ou de l’union des deux forces reste posée. En novembre 1946, dans son interview au Times, Maurice Thorez envisage encore comme possible une fusion des partis, socialiste et communiste. Je cite : « le parti ouvrier français que nous proposons de constituer par la fusion des partis, communiste et socialiste serait le guide de notre démocratie nouvelle et populaire ». Il existe en France un petit « parti socialiste unitaire ».

A l’étranger cette fusion est à l’ordre du jour. On sait qu’elle échoue dans l’Ouest de l’Allemagne mais dans la zone d’occupation soviétique, l’unification a été réalisée dans le Sed [17] en avril 1946. En Italie les partis socialistes et communistes, sans réaliser l’unité organique, travaillent alors dans une union étroite. En France, la SFIO choisit à partir de 1947 une autre voie, atlantiste et de troisième force. De ce fait, toute unité apparaît exclue, et même toute union électorale, inutile d’ailleurs en partie puisque le scrutin est proportionnel sous la quatrième République. Il n’empêche que le souvenir du Front populaire demeure très vivant, comme une sorte d’idéal et il nourrira le retour à l’Union de la gauche devenue possible à partir du début des années 60.

A côté de ces deux partis, on a toujours, les formations qui représentent l’héritage du radicalisme, (les radicaux, l’Udsr [18]), le courant chrétien dynamisé immédiatement après la guerre, avec le Mrp [19], mais qui perd rapidement de son influence de masse, et une droite républicaine à composantes assez floues, indépendants, paysans etc. La principale nouveauté vient du surgissement momentané d’un mouvement gaulliste, le Rpf.

Cela ne dure pas et le régime intègre ce qui en reste avec les républicains sociaux. Les vrais changements se produisent plus tard à partir des années 60 et surtout à partir des années 80 et c’est par ceux-ci que nous terminerons.

Le renouvellement de la problématique de l’unité socialiste et de l’union aujourd’hui

Ce renouvellement est extrêmement profond et il faut essayer même si c’est de façon rapide d’en saisir tous les aspects. Il résulte à la fois de phénomènes politiques et économiques mondiaux, de l’évolution très profonde de la société française, des transformations institutionnelles et politiques qu’a connues la France, et de changements en profondeur des mentalité. Je les rappelle pour mémoire rapidement, en insistant sur le fait qu’aujourd’hui en 2005, tous ces changements apparaissent avec une netteté particulière, sans doute sans précédent.

Je me limiterai à l’essentiel.

Ce sont les phénomènes mondiaux : le renforcement du capitalisme lié à la progression de la mondialisation libérale, et à la dislocation du monde communiste. Ce renforcement s’accompagne d’une offensive très déterminée d’une droite néolibérale décidée à liquider les acquis sociaux conquis au cours du temps, et notamment au lendemain de la libération.

L’évolution de la société française, c’est la transformation très profonde du salariat, transformation liée à l’entrée plus massive des femmes dans le monde salarié, au déclin de secteurs entiers qui étaient souvent les zones d’implantation traditionnelle du mouvement ouvrier, à l’essor du secteur des services.

Les transformations institutionnelles, c’est la Vème république, et surtout l’élection présidentielle au suffrage universel dont la pesée sur la vie politique française est désormais très forte et, c’est l’intégration européenne qu’on ne peut négliger.

Les transformations politiques ont conduit à la réaffirmation au coeur de la vie politique de l’opposition droite-gauche qui s’est historiquement substituée à l’opposition républicains-non républicains. Opposition qui a été effacée, pendant la majeure partie de la première moitié du 20e siècle, au profit de regroupements centristes, et qui est réapparue à partir des années 1960. D’autre part, ce qui est également capital aujourd’hui, c’est que la ligne de partage de cette opposition droite-gauche, correspond pour l’essentiel à la ligne de partage entre, d’un côté les différentes tendances du socialisme, au sens large du terme, et de l’autre, tous les soutiens inconditionnels du capitalisme libéral. Pour terminer, l’évolution des mentalités, c’est l’individualisation de plus en plus accentuée qui affaiblit les solidarités traditionnelles et l’esprit de militantisme, et je passe sur le rôle nouveau des grands médias audiovisuels.

Quels sont les effets de ces transformations sur les courants qui se réclament du socialisme ? Ils agissent à différents niveaux, sur le rapport de force entre les tendances, sur la conception du parti, sur son enracinement, sur la stratégie des organisations, et pour l’instant, on demeure dans une phase de transition dont on ne voit pas encore l’aboutissement.

Les questions d’aujourd’hui ne sont plus exactement celles du Congrès du Globe en 1905, ni même celles de Tours, mais elles n’ont pas perdu tout contact avec les précédentes. Elles demeurent : quel objectif pour les forces socialistes ? Quelle stratégie plus précise dans le cadre des institutions françaises et européennes ? Quelle organisation pour s’efforcer d’atteindre ces objectifs ?

Quel objectif ? La question capitale actuellement semble, l’attitude à prendre vis-à-vis de la mondialisation capitaliste. Sur ce plan, deux tendances se sont dessinées dans les forces socialistes. Ce sont des tendances fortes et qu’il ne semble pas souhaitable de vouloir concilier sauf à créer des confusions.

L’une est une tendance d’accompagnement social de la mondialisation, jugée inévitable, l’autre est la lutte résolue contre les effets négatifs de celle-ci et la proposition de solutions alternatives. L’idée socialiste demeure donc partagée à cet égard en deux courants nettement distincts, que ce soit en France ou en Europe, sans qu’il y ait forcément identification parfaite de ces courants à des partis. La ligne de partage semble notamment passer à l’intérieur du parti socialiste en France. On n’est pas dans une situation aussi simple qu’en 1901. Cet objectif vaut en particulier au plan mondial et européen.

Mais il y a un second objectif, plus spécifiquement français, plus directement lié au fonctionnement des institutions nationales, c’est celui de l’entente de toute la gauche pour composer une majorité de gouvernement. Car le problème d’une alliance, union, entente, sous quelque dénomination que ce soit, de toute la gauche, et non seulement de sa fraction la plus radicale, est incontournable, sauf à renoncer à toute influence sur la politique du pays. Entre les deux objectifs, il n’y a certes pas de frontière tranchée, mais tout de même des points d’application différents.

Quelle stratégie et quelle organisation pour atteindre ces objectifs ? Pour répondre il faut partir de l’état des forces socialistes au sens large. Ce qui a changé dans ce domaine par rapport aux années 50 et 60, c’est le rapport de forces entre les tendances. Si le parti socialiste, après une période de crise, a réussi à reconstituer son unité à partir de 1969, et à s’affirmer comme la plus importante force politique à gauche au plan de l’électorat en général et des élus locaux et nationaux, le courant révolutionnaire lui s’est affaibli. Surtout il s’est fragmenté .Ont joué dans cette évolution, à la fois évidemment la crise puis la fin du système communiste à l’Est de l’Europe qui a affaibli la force d’attraction de l’idée communiste, mais aussi la permanence après 1968 de courants d’extrême ou d’ultra-gauche, concurrents, ainsi que l’émergence d’organisations altermondialistes diverses. De cela découle, actuellement, un spectre extrêmement divisé à la gauche de la gauche. On pourrait reprendre la formule de Jaurès sur les moments historiques représentés par les tendances et l’appliquer à la situation actuelle.On pourrait repérer des organisations qui correspondent au moment bolchevik, au moment soixante-huitard, au moment alter ou anti antimondialiste.

Ce déséquilibre entre les deux grands courants est encore renforcé par suite de l’évolution institutionnelle, c’est à dire la pesée très forte sur la vie politique de l’élection présidentielle au suffrage universel. Les décisions récentes, à la fois la réduction à un mandat de cinq ans et le rapprochement dans le temps des élections présidentielles et législatives, en ont d’ailleurs encore accru l’influence. Cette évolution a des conséquences structurelles. La première c’est que, sauf hypothèse tout à fait invraisemblable, il ne peut y avoir au second tour qu’un seul candidat de gauche. Depuis l’institution de l’élection présidentielle au suffrage universel, il y eu parfois deux candidats de droite au second tour, comme en 1969 et 2002, mais jamais deux candidats de gauche.

Et donc le parti de gauche qui arrive en tête de la gauche au 1er tour de l’élection présidentielle exerce automatiquement une hégémonie sur le reste de la gauche. Dans la conjoncture actuelle à cause, du rapport de force entre les deux courants évoqués plus haut, et de la division qui règne dans la gauche de la gauche, c’est le candidat du parti socialiste qui a toutes les chances d’arriver en tête et d’exercer cette hégémonie.

En outre, la position du Parti socialiste dans le système de partis lui est nettement favorable puisqu’il peut selon les inflexions qu’il se donne se rapprocher du centre ou de la gauche de la gauche, comme dans le cas de son dernier congrès.

Face à cette situation, plusieurs hypothèses se dessinent.

Sur le plan européen, les deux courants mentionnés plus haut sont désormais structurés autour de deux partis européens, le Parti socialiste européen et le Parti de la gauche européenne.

Il est probable que cette structuration soit durable.

Sur le plan national, c’est plus compliqué. Un premier objectif envisageable est de regrouper plus efficacement dans un premier temps les forces qui se réclament d’une alternative véritablement socialiste au libéralisme. L’objectif théoriquement possible, mais certainement difficile à atteindre étant de remplacer une hégémonie de la gauche modérée par une hégémonie de la gauche de la gauche. Pour réaliser cet objectif, il faut d’abord surmonter les divisions bien réelles qui existent au sein de ce dernier ensemble et, si quelques pas ont été faits en ce sens, il reste du chemin à faire. Mais ensuite, quelle organisation, et significativement, comme en 1905, les deux débats sur l’objectif et sur l’organisation sont imbriqués. Faut-il un parti oui ou non, si oui quel parti, sinon, quoi ? En France la force attractive du parti, en tant que forme d’organisation, a diminué. A la fin du 19e, le parti politique en Europe était une forme d’organisation en expansion. Aujourd’hui, contrairement à ce qu’on croit parfois, il l’est encore dans toute une partie du monde, en Afrique, dans les pays de l’ex-Urss, au Moyen Orient. Mais en Europe et en France, on voit aussi surgir des coalitions temporaires, plus floues de mouvements divers sur un objectif précis.

Néanmoins les partis restent des organisations structurantes de la vie politique qui se déroule dans le cadre des institutions et sont donc incontournables, sauf à déserter complètement la vie politique légale. D’autre part alors qu’en 1905, le parti était conçu comme un parti de classe et comme un guide disant la vérité, la notion du parti de classe s’est modifiée en même temps que la classe ouvrière se fondait dans un salariat plus vaste. D’ou l’idée qui s’est imposée, qu’un parti ne peut être opérationnel sans une élaboration citoyenne plus large et plus constante. Il est significatif que le Pcf lui-même ait modifié sensiblement ses règles de fonctionnement interne et s’interroge toujours sur celles-ci pour répondre à ces exigences nouvelles. Dans le cadre français, le questionnement subsiste sur le renforcement de l’organisation du courant anticapitaliste. Faut-il d’abord, renforcer une organisation particulière, le Pcf par exemple, qui actuellement représente encore la force militante la plus considérable, la rendre plus attractive, ou fédérer autour d’elle les autres forces ?

Ou encore, considérer qu’il faut rechercher une organisation de type nouveau, de structure peut-être plus lâche et plus fédérative ? On est pour l’instant au stade de la simple prospection. Mais il y a aussi un danger, celui que la cristallisation de deux courants bien distincts rende impossible une plus large union à gauche, et qu’on en arrive à une situation à l’allemande, et à un retour au centrisme d’une partie au moins de la Sociale démocratie. Evolution dont on mesure le danger.

Il faut donc préserver la possibilité d’une union à gauche, dans le cadre de la construction d’une coalition alternative, dans une situation, on le voit, beaucoup plus complexe qu’en 1905.

Pour conclure, si en 1905 le débat sur l’unité a eu un mérite certain, c’est d’avoir posé avec clarté des questions de fond, et donc d’avoir fait avancer la conscience socialiste. Mais le parti socialiste unifié n’en restait pas moins assez fragile. Quand les contradictions qu’il avait surmontées assez laborieusement en 1905 se durcissent, par suite de l’expérience de la guerre et de la révolution russe, il n’est pas étonnant qu’il se soit divisé à nouveau. De nos jours encore, les contradictions qui traversent le mouvement socialiste dans sa globalité, c’est-à-dire socialiste et communiste, sont profondes et elles sont situées dans un contexte, à la fois international et institutionnel français, beaucoup plus complexe qu’en 1905. Est-ce qu’on peut espérer un dépassement positif de ces contradictions ? Pour le moment force est de constater que, si les problèmes à résoudre sont dans l’ensemble de mieux en mieux perçus et définis, aucune issue positive ne se dégage encore. Si elle se révèle possible, elle dépendra beaucoup de la mise en mouvement de l’opinion, dont le débat sur la constitution européenne a récemment montré toute l’importance, et c’est évidemment à favoriser cette mise en mouvement qu’il faut travailler.

[1] 1 Voir le N° 1 de la collection « Mémoires en ligne(s) » : « 1905, création de la SFIO, unité et diversité des socialistes », regards croisés, Alain Bergounioux et Roger Martelli.

[2] A l’issue de sa démission, le 20 février 1946, le général de Gaulle fonde un parti politique d’opposition, le Rassemblement du peuple français, qui rencontre un succès électoral rapide. Le déclin de ce parti est tout aussi rapide et il est contraint de mettre fin aux activités du Rpf en 1953.

[3] En 1949 le Groupe du Rassemblement des Gauches Républicaines et de la Gauche Démocratique est une des dénominations différentes de la Gauche démocratique, groupe parlementaire constitué au Sénat en 1892 et qui a connu diverses dénominations au fil des renouvellements. Il a compté parfois plus de 160 membres et fut le groupe dominant sous la IIIe République

[4] Le Rassemblement pour la République a été créé en décembre 1976, par Jacques Chirac qui en prend la présidence. En septembre 2002 les assises extraordinaires de Villepinte adoptent la dissolution du Rpr dans l’Union pour la majorité présidentielle, après 26 ans d’existence.

[5] En 1956 se constitue le Front républicain, rassemblant, la Sfio, le Parti radical, l’Union démocratique et socialiste de la résistance de François Mitterrand et René Pleven, et les républicains sociaux (ex-Rpf) de Jacques Chaban- Delmas. Il obtint 31 % des voix et 185 députés, dont 95 Sfio. Les communistes en rassemblèrent, eux, 150. La majorité en faveur d’une négociation en Algérie était donc très nette.

[6] La Charte de la Fédération de la gauche démocrate et socia1iste est signée le 10 septembre 1965. La Fgds rassemble le Parti Radical, la Sfio, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, la Convention des institutions républicaines et divers clubs comme l’Union des clubs pour le renouveau de la Gauche d’Alain Savary. François Mitterrand est élu président de la Fgds le 9 décembre. Il obtient 31,7% au premier tour et 44,8% au second tour de l’élection présidentielle (5 et 19 décembre 1965) contraignant 1e Général de Gaulle à un bal1otage inattendu. La Fgds et le Pcf concluent un accord électoral en décembre 1966 : les socialistes n’acceptent plus seulement les voix du Pcf, ils acceptent de discuter avec lui. (Source : site internet « centenaire du Parti socialiste »).

[7] Créée en 2002 l’Union pour la majorité présidentielle est constituée du Rassemblement pour la République, de Démocratie libérale, dissout en septembre, d’élus et dirigeants de l’Union pour la démocratie française et du Rassemblement pour la France. En octobre le Parti radical rejoint l’Ump.

[8] 8 L’Union pour la nouvelle République est fondé en octobre 1958 afin soutenir l’action du général Charles de Gaulle, revenu au pouvoir au mois de juin (Ve République). L’Unr obtint 206 députés sur 579 aux élections de novembre 1958. En 1962, l’Unr se regroupe avec l’Union démocratique du travail pour constituer l’Unr-Udt. Elle obtint 233 députés sur 482 soit légèrement moins que la majorité absolue. 35 Républicains-Indépendants participent à la majorité. En 1967, les candidats de l’Unr se présentèrent sous l’étiquette « Union démocratique pour la Ve République » 200 députés sur 486 furent élus sous cette étiquette. Il lui fallut l’appoint de 42 Républicains-Indépendants et de quelques non-inscrits pour être majoritaire. En 1968, elle prit le nom d’Union pour la défense de la République puis après les élections, Union des démocrates pour la République. Elle fit alors élire 293 députés sur 487, soit la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale à elle seule.

[9] La Confédération Générale du Travail est créée en 1895, par la Fédération Nationale des Syndicats et la Fédération des Bourses du travail de France et des Colonies, réunies en congrès à Limoges du 23 au 28 septembre, après plus de dix ans de tâtonnement

[10] Créé à la fin de 1923, le “Cartel des gauches”, victorieux en 1924 et en 1932, est la coalition des radicaux qui dominent alors la gauche (jusqu’en 1936) et des socialistes. Les premiers députés communistes qui sont élus en 1924 siègent dans l’opposition. Les socialistes ne participent pas au gouvernement et posent même en 1932 des conditions à leur participation qui sont rejetées par les radicaux (les “conditions Huygens”). (Source : site internet « centenaire du Parti socialiste »).

[11] Du 21 au 30 octobre 1879, se tient le 3e congrès ouvrier de France. Les collectivistes l’emportent. C’est la création de la Fédération du parti des travailleurs socialistes de France couramment appelé, Parti ouvrier. Ce congrès ouvrier n’était pas celui d’une organisation, mais une espèce de convention, théoriquement annuelle où les syndicats ou chambres syndicales (qui vivaient toujours sous le régime de la tolérance administrative, instauré par Napoléon III), envoyaient librement des délégués, à condition qu’ils fussent des travailleurs manuels. (Source : Institut supérieur du travail).

[12] Le 26 novembre 1900, débat entre Jaurès et Guesde, dit débat des deux méthodes, à l’hippodrome de Lille, 8000 militants socialistes assistent à la réunion contradictoire, animée par Gustave Delory, le maire de Lille : à la fois rapport moral et d’activité des deux dirigeants à propos de leur attitude pendant l’Affaire Dreyfus, sur la participation à des gouvernements bourgeois, le socialisme municipal, la controverse éclaire aussi le débat « doctrinal » entre réforme et révolution.Voir à ce propos le supplément à l’Humanité hebdo des 19 et 20 novembre 2005, qui a publié le contenu intégral de ce débat.

[13] En 1902 le Bloc des gauches, Bloc de Défense Républicaine associe quatre groupes. Les républicains progressistes dissidents qui ont suivi Waldeck-Rousseau.(Les autres ont constitué le groupe de la Fédération Républicaine, autour de Louis Marin, incarnation du nationalisme républicain) et constituent le groupe de l’Alliance Démocratique. les radicaux, les radicaux-socialistes qui parlementairement sont un groupe distinct, et certains socialistes. En 1899 les différentes formations socialistes se sont regroupées : Parti Socialiste Français, autour de Jean Jaurès, et Parti Socialiste de France, autour de Jules Guesde, anti-participationniste. (Source : site internet « centenaire du Parti socialiste »).

[14] Le mot “radical” apparaît pour la première fois en France en octobre 1819 dans le journal “Le Conservateur” qui associe dans un commun mépris “les songe-creux, les idéologues, les réformateurs, les radicaux, les illusionnistes”. Sous la Monarchie de Juillet, ce terme devient d’un emploi plus courant dans le vocabulaire politique. La perspective des élections législatives de 1902 conduit les radicaux à essayer de renforcer leur union. Le “Comité d’action pour les réformes républicaines” créé en 1895 et qui avait lors de l’élection de 1898 soutenu et organisé la campagne des radicaux, fusionne avec la “Ligue d’action républicaine” créée en 1900 pour réagir contre le succès électoraux des nationalistes à Paris. Les animateurs du nouveau comité décident d’envoyer une circulaire à toutes les organisations proches du radicalisme, comités et loges maçonniques et aux journaux républicains. Pour combattre “le cléricalisme et défendre la république”, ils proposent la réunion d’un congrès à Paris. (Source : site internet du Sénat).

[15] L’Alliance républicaine démocratique est fondée le 23 octobre 1901. Elle existe sous forme, de parti, ou d’association, et regroupe des républicains « modérés ». Quatre présidents de la République, Loubet, Fallières, Poincaré, Deschanel, appartiennent à l’Ard. Elle dure jusqu’en 1939-1940 et renaît comme parti après la guerre, puis comme club jusqu’en 1978.

[16] La Fédération républicaine créée en 1903 rassemble les républicains qui n’ont pas accepté de faire partie de la majorité de défense républicaine constituée par Waldeck Rousseau en 1899.

[17] Le 21 avril 1946,Wilhelm Pieck, président du Parti communiste d’Allemagne (KPD), et Otto Grotewohl, président du Parti social-démocrate (SPD) dans la zone d’occupation soviétique, portent le Parti socialiste unifié (SED) sur les fonts baptismaux lors d’une cérémonie à l’Opéra de Berlin.

[18] Le 25 juin 1945, fut constituée l’Union démocratique et socialiste de la Résistance, sur la base d’une fédération de mouvements de Résistance qui avait refusé de fusionner en juin avec le Front national dominé par les communistes : Organisation civile et militaire, Libérer et Fédérer, Libération-Nord, auxquels s’adjoignirent quelques membres de Ceux de la Résistance et des représentants de la France libre et d’autres mouvements. Lors des élections du 21 octobre 1945 l’Udsr obtint 31 élus à l’Assemblée nationale constituante. Elle se transforma, en juin 1946, en parti politique. De 1948 à 1951, l’Udsr constitua la charnière des majorités de Troisième force.

[19] Issu de la Résistance le Mouvement républicain populaire fut créé à Paris en novembre 1944. S’inspirant des principes de la démocratie chrétienne et du Sillon (mouvement d’éducation populaire catholique, agissant dans l’esprit de l’encyclique « Rerum novarum »), il obtint à la Libération une audience sans commune mesure avec celle de son prédécesseur de l’entre-deux-guerres, le Parti démocrate populaire. Avec le Parti communiste français, le Mrp fut le grand vainqueur des élections législatives de 1945 et participa, avec celui-ci et les socialistes, au système du tripartisme.